Ce constat survient à l’approche du 1er juillet, date fatidique pour de nombreux ménages québécois.
L’hiver dernier, le gouvernement a mis au rancart le programme AccèsLogis, prétextant qu’il n’était pas assez performant. Cette décision s’est prise sans considération envers les éléments qui rendaient le programme complexe, en premier lieu son sous-financement depuis près de 10 ans. Le Québec est d’ailleurs en attente de voir se construire 6500 logements qui ont été promis via ce programme, mais qui restent en terre, faute de fonds.
Un programme qui ne répond pas aux attentes
La solution de remplacement du gouvernement, le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) met de l’avant la notion d’abordabilité. Ce concept ne permet pas aux ménages à faibles et à moyens revenus d’espérer une amélioration de leurs conditions.
La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a pointé du doigt la lenteur des groupes communautaires à développer les projets d’habitation ayant obtenu l’aval de la Société d’habitation du Québec (SHQ).
Pourtant, près d’un an après l’annonce des 41 projets d’habitation retenus dans le cadre du premier appel de propositions du PHAQ, aucun des 1723 logements prévus n’a été construit. « En Montérégie et en Estrie, ce sont surtout des unités des projets AccèsLogis, planifiées en 2015-2017, qu’on annonce avec du financement supplémentaire », de dire la directrice générale de la FROHME, Ivelina Nikolova.
En outre, les promoteurs immobiliers privés, qui ont désormais une place au sein du programme de financement public, ont démontré peu d’appétit pour ce dernier. Des 92 projets soumis, seuls 14 émanent du secteur privé, soit un maigre 15 %. Les organismes en habitation ne sont pas spécialement surpris du manque d’intérêt des promoteurs privés. En effet, les projets issus du programme ne leur permettent pas une rentabilité comme les constructions du milieu privé.
Les ménages démunis écopent
La pénurie et l’inabordabilité des logements continuent de précariser la situation des locataires. En dépit des mesures exceptionnelles déployées pour améliorer les conditions de vie des personnes moins nanties, notamment par les municipalités, il n’y a pas de changement structurel.
Comme l’exprime Mme Nikolova : « Arrêtons de fermer les yeux devant l’immensité de la crise du logement qui s’aggrave au Québec. Travaillons en partenariat pour loger adéquatement les québécois et les québécoises ! À quelques jours du 1er juillet, l’Office d’habitation du Roussillon (OHR) nous confirme que les demandes d’aide à la recherche de logement ont augmenté de 57 % par rapport à la même période en 2022. L’Association des locataires de Sherbrooke constate également une nette augmentation des demandes d’aide contre les évictions. Les conséquences sont logiques : appauvrissement, problèmes de santé, recours aux banques alimentaires, itinérance…
Pourtant, le logement social et communautaire est une réponse durable à la crise du logement. Au lieu de subventionner “le privé” pour qu’il construise des logements “abordables”, le gouvernement doit changer de cap. Il doit s’engager à financer un grand chantier de 50 000 logements sociaux et communautaires en cinq (5) ans. »
Des solutions existent
La FROHME, comme plusieurs autres organismes communautaires, réclame un plan de sortie de crise. Celui-ci devra miser sur le développement rapide de logements sociaux et communautaires. L’habitation communautaire demeure une solution de premier choix pour résoudre la crise et offrir des logements de façon pérenne aux ménages dans le besoin.
À la fois organismes communautaires ancrés dans leur milieu et entreprises d’économie sociale qui contribuent au dynamisme et au bien-être des communautés, les OSBL d’habitation garantissent l’efficacité et la pérennité des investissements publics.
Actuellement, le marché est déséquilibré, et ce sont les ménages à faible revenu qui en souffrent. Le gouvernement doit se doter d’une orientation claire visant à doubler la part du logement hors marché dans le locatif. Toutes ses interventions doivent contribuer à l’atteinte de cet objectif.
Il paraît par ailleurs essentiel d’obtenir un soutien à l’achat de logements réellement abordables dans des immeubles existants du marché privé. Ces sommes serviraient à les protéger de la spéculation immobilière. L’un ne va pas sans l’autre : ensemble, la construction de logements sociaux et la préservation du parc de logements abordables actuellement existants auront un effet structurant sur le marché de l’habitation.
Finalement, une véritable politique nationale en matière d’habitation s’impose. Cette politique garantirait le maintien et l’entretien du parc locatif existant et éviterait les fermetures d’établissements. Le Québec a besoin d’un cadre structurant et durable pour contrer la crise.