Un groupe de médecins interpelle les gouvernements du Canada et du Québec à investir massivement dans le logement social pour que ce besoin essentiel soit accessible à toutes les personnes et parce que c’est un investissement rentable pour la société.
Nous prenons la parole pour réclamer aux gouvernements de faire du logement social une priorité. Il faut changer radicalement notre regard pour considérer le droit au logement comme un investissement pour la société et la santé !
L’importance pour tous d’avoir un toit sécuritaire, confortable et abordable est fondamentale, une condition essentielle à l’atteinte d’une vie décente et la dignité. La littérature qui le démontre est abondante [1]. En tant que médecins, nous voyons tous les jours des gens dont la santé est affectée car ils qui doivent composer avec le stress de la précarité du logement ou des aîné.e.s dont les résidences pour personnes âgées changent de vocations, des personnes avec des enjeux respiratoires, cutanés et infectieux liés à la salubrité de leurs logements, souvent trop petits et loin des services et transports en commun.
Ce besoin essentiel est inaccessible pour une trop grande partie de la population, surtout celle à revenus faibles et modestes, affectant particulièrement les personnes déjà marginalisées comme les autochtones, les membres de la communauté 2SLGBTQIA+, les personnes racisées et/ou immigrantes. Les personnes aînées, les femmes, les personnes à risque d’itinérance, les personnes vivant avec un handicap ou ayant d’autres besoins spéciaux sont parmi celles qui pâtissent le plus de la situation.
Pour la région de Montréal, Centraide évalue à 360 000 les ménages (19%) qui doivent consacrer plus d’argent pour se loger et répondre à leurs besoins essentiels que leurs revenus. Dans une telle situation, c’est la nourriture, les soins, l’éducation, que l’on doit sacrifier. La santé est ainsi inévitablement compromise. L’incapacité de bien se loger entraîne des répercussions considérables sur les services de santé. L’impact d’un logement inadéquat sur la santé n’est plus à démontrer.
Dans son rapport de 2015, la direction de la santé publique de Montréal révèle que 36 % des domiciles où vivent de jeunes enfants présentent un facteur d’insalubrité lié à une humidité excessive ou à̀ des moisissures, que 26 % des infections respiratoires chez les enfants sont dues à à la salubrité des logements.
Les avantages du logement social vont au-delà d’un simple toit. Il permet d’offrir du soutien communautaire, des soins de santé, des services de garde, etc. On génère ainsi des conditions gagnantes dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, tout en réduisant les coûts sociaux et économiques des finances publiques.
Alors que les dépenses gouvernementales ont augmenté de près de 40 % depuis 10 ans, Québec a dépensé, en 2022, les mêmes sommes qu’en 2014 pour la construction de logements sociaux. Pourtant, une étude de 2013 de la Société d’habitation du Québec (SHQ) démontre que le réseau de la santé a fait une économie nette de 130 millions de dollars à la suite de 66 millions d’investissements en logement social.[2]
Les perspectives démographiques et la pénurie des logements qui pousse les personnes démunies loin des grands centres urbains, des transports en commun, des réseaux de transport actif et des services laissent entrevoir que le problème n’ira qu’en s’aggravant. Pendant que nous subventionnons les plus riches pour qu’ils acquièrent des voitures électriques et obtiennent une baisse de leur taxe scolaire, nous rendons les personnes démunies dépendantes de la voiture et du pétrole. L’absence d’investissements en logement social pour densifier nos communautés accentue l’étalement urbain, entraînant des coûts collectifs importants en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures.
Les gouvernements doivent investir dans le logement social, comme ils s’occupent de la santé, de l’éducation et des infrastructures notamment pour créer une pression positive sur le marché, réduisant ainsi la spéculation, à la faveur de l’ensemble de la population.
Nous avons besoin de plusieurs milliers de nouveaux logements sociaux dans les prochaines années, d’un grand chantier national, d’un grand projet collectif de logements publics et communautaires, Stat !
[1] https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/fichiers/professionnels/DRSP/Directeur/Rapports/Rap_Logements_2015_FR.pdf
[2] http://www.habitation.gouv.qc.ca/fileadmin/internet/publications/0000022972.pdf
http://www.habitation.gouv.qc.ca/fileadmin/internet/publications/0000022924.pdf
Les signataires, à l’initiative de la FROHME :
Dr Arnold Aberman MD, Omnipraticien CLSC Beauharnois
Dre Marie-Dominique Beaulieu
Dre Masha Bourdages, pédiatre
Dre Sonia Bourrellis, Médecin interniste
Dre Josette Castel, médecin clinicienne
Dre Ariane Charlier-Lazure
Dre Emilie Gagnier-Marandola
Dre Fabienne Djandji
Dre Melissa Généreux, médecin spécialiste en santé publique
Dre Marie-Claude Goulet, médecin
Dr. Renaud Huard, médecin de famille
Dr. Amir Khadir, microbiologiste médicale-infectiologie
Dre Saideh Khadir, médecin de famille
Dre Christelle Lam, médecin de famille
Dre Isabelle Leblanc, médecin de famille
Dre Manon Leduc, médecin de famille
Dre Michèle Lemay
Dr. Felix Le-Phat-Ho, médecin de famille en GMF-R
Dre Sabrina Mansour
Dre Annie Morin
Dre Geneviève Parent, médecin de famille
Dre Nancy Rondeau, médecin d’urgence au CISSMO pôle Suroît
Dre Christiane Roy médecin de famille
Dre Samir Shaheen-Hussain, pédiatre urgentiste
Dre Catherine St-Cyr